• La sexualité chez l'enfant

     Véronique Elefant-Yanni, PhD. en Psychologie, spécialiste de l'enfant.                                                                                  

     La sexualité chez l'enfant

     

     

    Le concept de la « sexualité infantile » avait fait scandale au temps de Freud parce qu’il était mécompris

    et associé à la sexualité génitale adulte. Il exprime pourtant le constat universel que le plaisir est la source

    de «l’énergie libidinale ou érotique» (du latin libido ou du grec éros, désir, amour), nécessaire au

    développement. Le plaisir est ce qui stimule l’enfant à découvrir ce qu’il aime, ou pas, dans sa rencontre

     avec le monde.

     

    Le stade auto-érotique du nourrisson

    Aujourd’hui, alors que le bébé est une personne à part entière, les parents sont plus attentifs à leur enfant, et à ses besoins affectifs autant que

    physiques. Le plaisir qui fait le pont entre ses deux plans est un moteur dans son développement dés le ventre maternel. On sait en effet, qu’in

    utérus en plus des nutriments qu’il reçoit par le cordon ombilical le fœtus avale du liquide amniotique et suce déjà son pouce. Les sensations

    proprioceptives associées à la succion du pouce, au niveau du pouce, de la main, du bras et de la bouche sont intéressantes pour le fœtus :

    il se passe quelque chose ! Le réflexe de succion étant inné cela n’a rien d’étonnant, mais en l’absence de toute relation au sein maternel

    il illustre déjà le plaisir du fonctionnement caractéristique du stade auto-érotique du nourrisson. C’est ce même plaisir du fonctionnement qui le

    stimule à bouger dans le ventre maternel et qui permet d’assurer les connexions neuronales nécessaires au bon fonctionnement de ses membres.

    Après la naissance, ce plaisir du fonctionnement peut être clairement observé pendant les premiers mois. Le nouveau-né semble ainsi prendre

    une attitude attentive quand il enregistre des mouvements ou des connexions nouvelles trouvées fortuitement, comme la rencontre de son poing

    et de sa bouche par exemple. Au début il a du mal à recréer cette rencontre, car quand il tente de bouger un membre c’est tout son corps qui

    s’agite. Néanmoins peu à peu sa coordination s’affine, il parvient à différencier ses mouvements et à porter son pouce à sa bouche. Sucer son

    pouce volontairement n’a l’air de rien mais c’est déjà une victoire ! 

     

    L’âge de la maîtrise de son espace intérieur

    Sur ce premier stade auto-érotique, grâce au renforcement du plaisir que le nourrisson trouve dans la relation au sein nourricier et à la satiété,

    vient s’imbriquer le stade oral qui va primer sur son développement jusqu’à environ 18 mois. Durant cette période, grâce au plaisir tiré des

    réponses aux besoins physiques de l’enfant, allaitement ou biberon, soins du corps, jeux et périodes de repos, se construit la relation mère-enfant.

    Au travers des échanges de regards, de sons ou de mots, et beaucoup au travers des postures, des contacts, des touchers et des caresses,

    l’enfant se délimite à son propre corps, il réalise un intérieur à lui-même et un extérieur. Il s’individualise et se faisant il se différencie des personnes

    de son entourage. Pour être « maître chez lui », l’enfant va peu à peu vouloir contrôler ce qui rentre en lui : au fil de ses expériences, ses goûts vont

    s’affirmer envers ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas manger, ce qui reste dans sa bouche et ce qui bave, ce qu’il avale et ce qu’il crache. Sous la

    pression de son entourage, il est « plus ou moins fortement incité » à ne pas en mettre partout, à manger proprement. De la même manière, son

    entourage « l’incite plus ou moins fortement » à faire dans le pot plutôt qu’à se laisser aller dans ses couches quand l’envie l’en prend. Le plaisir

    d’expulser ou de retenir dans le corps est pris dans la trame affective de l’enfant avec son entourage. En particulier, si l’enfant le perçoit comme

     intrusif, il aura tendance à résister, à s’opposer aux demandes qui lui sont faites : cracher quand on lui demande d’avaler, retenir quand on lui

    demande de faire. A partir de 18 mois, avec le développement du langage et du « non » d’opposition, jusqu’à environ 3 ans avec le contrôle de

    ses sphincters, l’enfant développe un sentiment de toute puissance grâce à sa maîtrise des échanges entre le dedans et le dehors de son corps.

    Le clivage entre le « bon » à garder et le « mauvais » à expulser du stade oral peut maintenant laisser place à l’ambivalence des sentiments.

    Ainsi dans l’apprentissage de la propreté, par amour pour son entourage, l’enfant garde en lui du «mauvais » et expulse du « bon », les mêmes

    matières fécales jugées à la fois « sales et dégoutantes » tout en étant valorisées dans le pot par l’entourage. L’enjeu du stade anal est la maîtrise

    de son espace intérieur, et en corollaire une autonomie dans l’espace qu’il peut explorer sans crainte d’être atteint dans son intégrité corporelle.

     

    De l’identification à l’affirmation

    Cette nouvelle indépendance amène l’enfant à la rencontre d’un environnement social plus riche où une place lui est faite en fonction de la

    différence des genres et des générations. Il se découvre comme fille ou comme garçon pour qui  « faire comme maman » ou « faire comme papa »

    est encouragé par l’entourage. En même temps, sa curiosité est éveillée par ce qui constitue cette différence, le sexe, dont il avait sans doute

    auparavant expérimenté la grande sensibilité lors de soins puis dans l’exploration de son propre corps puisque cette zone érogène est

    particulièrement innervée. Il se découvre aussi comme enfant soumis à l’autorité de ses parents par le mystère de sa naissance qu’il perçoit

    confusément en lien avec la sexualité du couple. Bien qu’il aime ses parents et que sa survie en dépende, sa toute puissance infantile aspire

    à s’emparer de leur pouvoir, et donc fantasmatiquement à les détruire. Il en découle en réaction la peur d’être détruit à son tour. L’identification

    plus importante au parent du même sexe et l’alliance au parent de l’autre sexe atténue cette « angoisse de castration » chez l’enfant, c’est-à-dire

    la peur de perdre son propre pouvoir « phallique », en même temps qu’il lui permet de s’attribuer symboliquement leur pouvoir. L’interdit de

     l’inceste qu’on observe déjà chez les grands primates comme dans la tragédie d’Œdipe confine l’alliance au parent de l’autre sexe au niveau

    symbolique du « quand je serai grande, j’épouserai papa » ou « quand je serai grand j’épouserai maman ». De 3 à 6 ans, le stade phallique et

    son aboutissement permettent à l’individu qu’est l’enfant de s’affirmer comme sujet, pris dans la toile sociale et symbolique. Il est prêt pour les

    apprentissages qui l’attendent. Le plaisir d’apprendre et de connaître dont l’enfant fait la preuve par ses nombreux «pourquoi ? » à partir de 3 ans

    et pendant tout le stade phallique, trouve son apogée dans la période de latence qui est caractérisée par la sublimation, soit un intérêt massif

    pour les activités artistiques et intellectuelles socialement valorisées où le plaisir est celui de la découverte. Cette période commence vers 6 ans,

    et correspond judicieusement à l’entrée à l’école, et se termine vers 12 ans avec la puberté quand la problématique œdipienne s’impose à

    nouveau sous la poussée des changements hormonaux. Avant cela, même si l’enfant est toujours travaillé par ce qui s’y joue comme en témoignent

    la masturbation ou les cauchemars, il est heureux de s’occuper l’esprit à autre chose, littéralement. Les relations amicales se font entre filles ou

    entres garçons, les pairs sont le support de nouvelles identifications qui organise sa personnalité. 

     

    La puberté ou le temps de la métamorphose

    Venant s’imbriquer sur tous les stades précédents, le stade génital est le dernier dans le développement humain. Avec la puberté, les changements

    hormonaux entraînent des changements physiques et physiologiques visibles ou plus intimes qui signent la pleine fonctionnalité de leur appareil

    génital et de leur capacité à procréer: les garçons voient leur carrure se développer, leur voix mue, une nouvelle pilosité, et ils ont leurs premières

    pollutions nocturnes ; les filles voient leurs seins se développer, ainsi que leurs hanches, une nouvelle pilosité, et elles ont leurs premières règles.

    En plus des adaptations psychiques que leur nouvelle apparence réclame, les adolescents des deux sexes font face à la réactualisation du

    complexe d’Œdipe, mais cette fois les identifications successives qu’ils ont faites au cours de leur développement ont ouvert leur horizon au-delà

    du couple parental et leur permettent de choisir de nouveaux partenaires. Plaire et séduire occupent une bonne partie de leur temps. Ils s’essaient

    dans leurs premiers flirts

    et définissent leur partenaire idéal. Prenant leur place comme jeunes adultes, ils sont prêts à réaliser leur indépendance économique si les circonstances sont favorables et à fonder leur propre foyer avec toute la diversité des situations d’aujourd’hui. L’enjeu qui se joue ensuite le reste de notre vie

    c’est la maturité. Elle demande de profiter des occasions de la vie pour colmater les défauts du vécu des stades antérieurs qui laissent des

    marques sur le psychisme de chacun comme nous l’explorerons dans nos prochains articles.

     

    Questions ? Suggestions ? Contactez-moi :  veronique.elefant-yanni@unige.ch

     

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